André administrateur
Inscrit le: 07 Jan 2007 Messages: 11030 Localisation: Montreal 45.500°N, 73.580°W
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Posté le: Dim 29 Juil 2007 11:46 am Sujet du message: Le Mont-Saint-Michel rendu à l'eau |
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SAlut a tous
'est un geste architectural inspiré. Une mécanique hydraulique en osmose avec le jeu mouvant des marées et du ciel. Une ligne horizontale dont il n'est pas besoin d'avoir la foi pour percevoir qu'elle forme, avec la flèche de l'abbaye, une croix propice à la contemplation.
Le nouveau barrage en construction dans la baie du Mont-Saint-Michel n'est pas un ouvrage d'art comme les autres. Ce n'est, en fait, pas véritablement un barrage. Plutôt un régulateur des flux et des reflux, destiné à libérer la "merveille de l'Occident" de la gangue de sédiments qui, jour après jour, l'emprisonne inexorablement.
Shot at 2007-07-29
Le mal est ancien. Aux effets naturels des marées, dont les courants montants, toujours plus puissants que les jusants, provoquent l'accumulation de dépôts sableux mêlés de débris de coquilles - la tangue -, s'est ajouté l'impact désastreux des interventions humaines.
Polders, digues, canaux, barrage de protection, parking ont amplifié le phénomène. Avec l'ensablement, les herbus - végétaux halophiles appelés ici prés salés, qui donnent leur saveur à la chair des moutons à tête noire - n'ont cessé de gagner du terrain, au rythme d'une cinquantaine d'hectares par an. Le rocher de l'Archange, autrefois distant de quatre à cinq kilomètres du continent, n'en est plus séparé que de quelques dizaines de mètres.
D'où l'idée de rendre le Mont-Saint-Michel à la mer. Il n'est aujourd'hui entouré d'eau que cinquante jours par an, lors des marées de plus haut coefficient. Demain, il sera baigné cent cinquante jours par an. Demain, c'est-à-dire en 2012, quand sera achevé le projet de "rétablissement du caractère maritime" du site classé au patrimoine mondial de l'Unesco. "Un projet humble, modeste, souligne François-Xavier de Beaulaincourt, directeur général du syndicat mixte maître d'ouvrage. Il s'agit de corriger les erreurs de l'homme, pas de contrecarrer la nature."
UN CHANTIER À 200 MILLIONS D'EUROS
Dix années d'études et de concertation auront été nécessaires pour que s'ouvre, en 2006, un chantier chiffré à 200 millions d'euros, financé par l'Etat et les collectivités territoriales, avec une contribution de l'Europe. Il est vrai que les aménagements prévus n'ont pas d'équivalent dans le monde. Et que le site est protégé par pas moins de quatorze lois et directives européennes.
Il a fallu prendre en compte les écosystèmes (la baie constitue une réserve piscicole et ornithologique très riche, fréquentée par des colonies de phoques veaux marins), les activités économiques (conchyliculture, pêche, élevage) et, bien sûr, la principale richesse du Mont, ses trois millions de visiteurs annuels, qui en font la deuxième destination touristique en France après Notre-Dame de Paris.
Pièce maîtresse de ce retour aux sources, le barrage conçu pour redonner une nouvelle vigueur au Couesnon, le fleuve dont les eaux limoneuses, jadis divagantes, n'arrosent plus que mollement le pied du rocher de granit.
Long d'un peu plus de 110 mètres, cet ouvrage comportera huit vannes, actionnées par des roues poussées par des vérins hydrauliques et commandées par des capteurs électroniques. A marée montante, elles s'ouvriront en sur-verse, pour permettre aux eaux de pénétrer dans le lit du Couesnon, où elles seront retenues à leur plus haut niveau. Au reflux, elles se relèveront en sous-verse, générant des chasses d'eau suffisantes pour repousser les sédiments loin du Mont-Saint-Michel.
En deux ans de fonctionnement, la moitié des 3 millions de mètres cubes d'alluvions qui se sont amoncelés devraient avoir été déblayés. En huit ans, les quatre-cinquièmes. Et, à l'horizon du milieu du siècle, la cote moyenne des fonds devrait avoir baissé de 70 centimètres. "C'est un ouvrage très technique, mais dont la technicité ne devait pas être trop prégnante, commente Luc Weizmann, architecte concepteur de cet équipement. Nous avons voulu qu'il s'insère de façon discrète, ténue, dans ce lieu exceptionnel."
Pour autant, le fonctionnement des vannes sera rendu apparent afin que le visiteur s'immerge dans l'oscillation marine et ses reflets changeants. Car le pont-barrage, sur lequel pourront cheminer les piétons, servira aussi de belvédère tourné vers la baie et l'abbatiale. Des inscriptions en alphabets d'Orient et d'Occident y inviteront à la communion des esprits. Pour l'heure, ce sont des grues qui accrochent le regard des pèlerins. Quatre des neuf piles ont déjà été coulées. La cinquième le sera d'ici à la fin de l'été. La seconde partie du barrage, construit en deux tranches afin de laisser s'écouler le Couesnon, sera réalisée dans les six mois qui suivront.
Puis seront installées les vannes et leurs roues motrices, de 20 tonnes chacune. Seront encore aménagés des réservoirs hydrauliques renforçant le débit du fleuve, un pont-passerelle prolongeant la digue-route actuelle, un gué submersible permettant d'accéder à la porte des remparts, de nouveaux espaces de stationnement, une navette routière, des bâtiments d'accueil...
Dans l'espoir de mieux canaliser la marée humaine qui, aussi sûrement que le sable, engorge le Mont-Saint-Michel.
Pierre Le Hir
source;
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3244,36-939966,0.html?xtor=RSS-3244
amicalement _________________ Etrange époque où il est plus facile de désintégrer l' atome que de vaincre un préjugé.
Einstein, Albert, |
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