André administrateur
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Posté le: Dim 12 Fév 2012 11:11 pm Sujet du message: Redonner aux chercheurs le temps de faire de la science |
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Salut à tous
Deux neurobiologistes réputés, Joël Bockaert et Yehezkel Ben-Ari, ont lancé une pétition, «Halte à la destruction de la recherche», afin de mettre cette question au cœur de la campagne.
Et de redonner aux chercheurs les moyens et le temps de faire leur travail.
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Dans un laboratoire de l'INRA à Toulouse. (LANCELOT FREDERIC/SIPA)
Dans le texte de leur pétition, «Halte à la destruction de la recherche» (lire le texte), Joël Bockaert et Yehezkel Ben-Ari dénoncent des réformes «mal coordonnées et inefficaces» depuis 5 ans, un «pilotage technocratique» de la recherche, «une bureaucratie ubuesque», une «distribution brouillonne des moyens»...
Ces deux neurobiologistes de renom, fondateurs de deux gros laboratoires français, s’en expliquent pour Sciences et Avenir.fr.
Joël Bockaert est fondateur de l’Institut de génomique fonctionnelle (IGF) de Montpellier et membre de l’Académie des Sciences.
Yehezkel Ben-Ari est fondateur et directeur honoraire de l’Institut de neurobiologie de la Méditerranée (INMED) à Marseille. Il a reçu le Grand prix Inserm 2009.
Sciences et Avenir.fr: Pourquoi avoir lancé cette pétition maintenant ? Qu’est-ce qui vous a poussé à vous exprimer de cette façon?
Joël Bockaert : Il y a des problèmes dans l’organisation de la recherche en France, ce n’est pas nouveau, mais curieusement au cours de la campagne électorale ces questions ne sont pas ou peu évoquées.
La recherche scientifique est pourtant l’un des atouts majeurs pour retrouver de la compétitivité !
Nous pensons donc que c’est le moment de s’exprimer et de lancer la discussion.
Etant données notre âge et notre position, nous n’avons plus rien à craindre pour notre carrière !
Ce qui n’est forcément pas le cas de nos jeunes collègues : certains craignent de perdre le peu qu’ils ont.
Dans cette pétition vous vous opposez au démantèlement des grands organismes de recherche comme le CNRS ou l’Inserm (les EPST). Pourquoi ?
Yehezkel Ben-Ari : On ne peut pas se permettre aujourd’hui de fermer ces organismes qui ont fait leurs preuves et qui sont très attractifs pour recruter.
L’argument du gouvernement au départ était de dire «les universités vont mal, il faut les réformer, les rendre plus attractives». D’accord, mais pour cela il faut des moyens, beaucoup de moyens, or il n’y a pas d’argent !
Ce n’est pas quand on manque de sous qu’il faut tout casser.
Nous sommes très loin des budgets des grandes universités américaines !
C’est donc un processus qui va être très long et pendant ce temps on ne peut pas se permettre de fermer les EPST.
Pour financer le plan Campus on a pris à Paul pour donner à Jacques !
On crée des pôles, des plates-formes (Labex, Equipex, Idex…) mais il n’y a pas de budget de fonctionnement, pas de postes !
Le manque de moyens, les budgets insuffisants pour la recherche, sont des revendications anciennes et récurrentes.
Est-ce encore pire aujourd’hui ?
Joël Bockaert : Ce qui me soucie vraiment, c’est de voir les chercheurs, les jeunes et les moins jeunes, courir après les appels d’offres au détriment de leur travail de recherche !
La part de financement par le CNRS ou l’Inserm est en baisse.
On multiplie les dossiers auprès de l’Agence nationale de la recherche [ANR, structure de financement sur projets créée en 2005, NDLR] pour avoir plus de moyens, sachant que chaque subvention n’est pas très élevée.
Par exemple si vous touchez 100.000 euros par an, avec ça il faut payer un salaire, du matériel… Les montants ne sont pas assez importants et ce n’est que pour 3 ans !
Yehezkel Ben-Ari : Dans le cas de mon laboratoire, auparavant 60 à 70% du budget était fourni par l’Inserm, et le reste par l’extérieur (financements sur projets, fonds privés etc).
Aujourd’hui 90% du budget vient de l’extérieur ! Nous passons notre temps à demander des sous : en 5 ou 6 ans, le temps passé à la recherche de financement a été démultiplié, au détriment de la science.
Cela n’a plus aucun sens. Nous devons tout justifier, même l’achat d’un microscope, avec un document administratif de 20 pages à remplir, c’est extrêmement rigide ! Nous devons augmenter les postes de secrétariat pour faire face à cette lourdeur administrative.
Vous souhaitez une refonte de l’ANR, notamment de l’évaluation des projets soumis par des chercheurs étrangers.
Joël Bockaert : J’ai présidé au départ un département de l’ANR en neurobiologie mais j’ai jeté l’éponge ! Le taux de succès pour les projets est trop faible : il est passé de 20-25% à 15% et ça va encore diminuer puisque les budgets baissent (2)!
On doit envoyer les projets à des chercheurs à l’étranger, en Europe ou ailleurs -ce qui revient à faire circuler toutes nos idées- et en plus l’ANR fait venir des experts à Paris.
Ça coûte cher.
Et tout cela pour que sur 170 projets en neurobiologie, dont 44 très bien classés, nous n’en gardions que 25 ! C’est ubuesque. Les Américains ne font pas appel aux chercheurs européens pour évaluer leurs projets !
On veut éviter les collusions et les ententes mais il y a aussi au niveau international des scientifiques qui se connaissent bien ou au contraire qui sont rivaux !
Vous êtes également très remontés contre le système indépendant d’évaluation des laboratoires mis en place en 2005 : l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, l’AERES. Vous demandez carrément sa suppression. Pourquoi?
Joël Bockaert : Pour ouvrir une équipe dans un laboratoire comme l’IGF par exemple, un comité de 25 experts envoyés par l’AERES va venir, donner des notes ; ensuite le dossier est transmis au CNRS qui donne d’autres notes, puis à l’Inserm, qui donne sa note… pendant deux ans vous ne savez pas si vous pourrez créer l’équipe !
Ensuite il faut faire le dossier à l’ANR !
C’est un système très coûteux, qui fait également venir des experts internationaux, et qui a peu d’impact sur les budgets obtenus. Alors à quoi ça sert ?
Yehezkel Ben-Ari : A l’Inmed, à Marseille, les experts de l’AERES viennent pendant deux heures, pour évaluer plus de 100 personnes et 13 équipes.
Comment peut-on imaginer qu’une structure qui doit évaluer tous les labos de France puisse fonctionner ? Nous passons notre vie à être évalués.
Ce que les politiques ne comprennent pas, c’est que la recherche ne se commande pas.
On ne sait pas qui est génial aujourd’hui ; il faut un volume de recherche important à la base pour faire émerger les meilleures idées.
La source ;
http://www.sciencesetavenir.fr/fondamental/20120210.OBS1125/redonner-aux-chercheurs-le-temps-de-faire-de-la-science.html
Amicalement _________________ Etrange époque où il est plus facile de désintégrer l' atome que de vaincre un préjugé.
Einstein, Albert, |
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